La réforme de l'agriculture suisse attendra
(ats) La grande réforme de la politique agricole de la Confédération est gelée. Après le Conseil des Etats, le National a suspendu le projet, le renvoyant au Conseil fédéral. La nouvelle stratégie devait rendre l'agriculture suisse plus écologique.
De justesse, par 100 voix contre 95, la Chambre du peuple a décidé de suspendre la politique agricole PA22+, chargeant le gouvernement de lui présenter une nouvelle orientation d'ici 2022. L'opposition au projet du Conseil fédéral est venue des rangs de l'UDC, du PLR et du Centre.
Cette décision reporte de plusieurs années l'entrée en vigueur d'une nouvelle stratégie. Dans l'attente du nouveau rapport du Conseil fédéral, le Parlement ne pourra reprendre la discussion qu'en été 2023 au mieux, a affirmé le ministre de l'économie Guy Parmelin.
La Pa22+ comprenait des mesures incontestées comme une meilleure couverture sociale pour les femmes paysannes. Mais les craintes d'une perte de revenus pour le secteur agricole, une réduction du degré d'autosuffisance, les contraintes liées aux importations ou une hausse de la charge administrative ont eu raison du projet.
Autres moyens
La réforme devait notamment servir de contrepartie aux deux initiatives sur les pesticides soumises au peuple en juin. Le Parlement a déjà pris des mesures pour réduire l’emploi de produits phytosanitaires et les pertes d’éléments fertilisants, a expliqué Leo Müller (Centre/LU) au nom de la commission.
Il n’est pas urgent d’intervenir sur ce point. La réglementation bientôt sous toit qui vise une réduction des pesticides mesurée remplira les objectifs visés, selon lui.
Le projet du Conseil fédéral est trop peu ambitieux et trop excessif en matière de contraintes administratives, a relevé Jacques Nicolet (UDC/VD). On nous impose de plus en plus de réglementations, a ajouté Markus Ritter (Centre/SG), président de l'Union suisse des paysans.
La suspension du projet n'empêchera pas les avancées souhaitées en matière de pesticides. Les efforts des agriculteurs en matière d'écologie sont importants et ils produisent déjà ce que veulent les consommateurs, a souligné Jacques Nicolet.
Base solide
C'est le mauvais moment pour retarder le travail, a argumenté Kilian Baumann (Verts/BE). La réforme aborde les aspects économiques, écologiques et sociaux, et constitue une base solide. Beaucoup de paysans souhaitent cette réforme. En refusant de débattre, le Parlement prive l’agriculture de perspectives et la met face à de nouvelles difficultés.
Il n'est pas nécessaire de jeter aux orties des années de travail en refusant d'entrer en matière et de ne "picorer" que les mesures qui conviennent, a ajouté Sophie Michaud Gigon (Verts/VD). L'agriculture est au service de l'environnement et les enjeux sont fondamentaux, a complété Samuel Bendahan (PS/VD). Renoncer à discuter sur la réforme favorise les plus grands producteurs de l'industrie agroalimentaire.
Le projet n'est pas aussi mauvais que certains veulent bien le dire, a estimé Guy Parmelin. Les nombreuses initiatives parlementaires qui cherchent à en appliquer certains points, qui concernent les mesures environnementales ou la couverture sociale des femmes, le prouvent.
Crédits en discussion
S'il a suspendu le paquet agricole, le Parlement a en revanche accepté de débloquer les enveloppes financières en faveur de la politique agricole pour les années 2022 à 2025. Le montant avoisine les 14 milliards de francs.
Par 144 voix contre 14 et 38 abstentions, émanant notamment du PS et des Verts, le Conseil national s'est aligné sur les montants déjà proposés par le Conseil des Etats. Il a toutefois procédé notamment à une correction de 3 millions de francs, en prenant en compte le budget.
Les Vert'libéraux, soutenus par la gauche, ont tenté de restreindre les crédits aux années 2022 et 2023. Ce cadre aurait permis d'attendre la nouvelle orientation du Conseil fédéral pour ajuster les enveloppes.
Le total des crédits disponibles atteindrait 13,960 milliards de francs. Le Conseil des Etats s'est montré plus généreux que le Conseil fédéral. Il demande 2,143 milliards de francs (2,119 milliards selon le gouvernement) pour la promotion de la production et 11,252 milliards de francs (11,090 milliards) pour les paiements directs. Le National a encore ajouté 340 millions pour les améliorations structurelles dans l'agriculture.
Le dossier retourne à la Chambre des cantons.